MULONGOY Hubert 5 septembre 2025

Dans les territoires de Kabare, Mwenga, Fizi, Shabunda et Kalehe, la forêt pleure en silence. Chaque année, des milliers d’hectares de couvert forestier disparaissent au Sud-Kivu sous l’effet conjugué de la carbonisation, du sciage artisanal, de l’agriculture sur brûlis et, plus récemment, de l’exploitation illégale des minerais en pleine forêt primaire.

Cette déforestation, aggravée par l’instabilité sécuritaire, menace des espèces uniques au monde telles que le chimpanzé de l’Est (Pan troglodytes schweinfurthii), le céphalophe noir, le pangolin géant ou encore l’okapi dans certaines zones frontalières.

1. Les chiffres qui inquiètent

  • Plus de 12.300 ha de forêts dégradés dans le territoire de Mwenga entre 2021 et 2024 (source : Observatoire forestier local & Global Forest Watch).
  • 63% du bois scié vendu dans les marchés urbains de Bukavu et Uvira provient de forêts protégées ou non officiellement ouvertes à l’exploitation (source : WWF, 2023).
  • Près de 1.500 fours à charbon identifiés sur les pentes du PNKB et dans le corridor forestier reliant Itombwe au PNKB (source : OSFAC, 2024).

2. Voix de la forêt : Témoignages

« Nous savons que c’est illégal, mais nous n’avons pas d’autres moyens de survivre. C’est le bois ou la famine. »
Une habitante de Bashimwenda, territoire de Mwenga.

« La présence de groupes armés complique tout : ils exigent des taxes, protègent certains exploitants, et nous interdisent de dénoncer. » Un chef coutumier, territoire de Mwenga.

3. Des espèces en danger immédiat

Les grands singes, notamment les chimpanzés de l’Est, fuient les zones déboisées et sont parfois tués lors des confrontations avec les exploitants.
Le céphalophe noir, discret et endémique du Kivu, est de plus en plus rare dans les inventaires de terrain.
Le pangolin géant, fortement recherché pour sa viande et ses écailles, est victime d’un braconnage accru facilité par l’ouverture des pistes forestières illégales.

4. Zones critiques identifiées

  • Corridor forestier entre Itombwe et PNKB : disparition accélérée.
  • Réserve forestière de Kitumba (Fizi) : exploitation anarchique du bois.
  • Monts Mitumba (Kabare, Kalehe) : progression de l’agriculture de montagne.
  • Sud Shabunda : concessions minières artisanales en pleine forêt primaire.

5. Facteurs aggravants

  • Impunité des exploitants illégaux.
  • Corruption dans l’octroi des permis forestiers.
  • Faible accès à l’énergie propre pour les ménages (bois et charbon comme unique ressource).
  • Déplacements massifs de population liés aux conflits armés, accentuant la pression sur les ressources naturelles.

6. Que faire ?

  • Lancer une campagne d’éducation populaire sur l’usage durable des forêts.
  • Proposer des alternatives à la carbonisation : foyers améliorés, reboisement communautaire, promotion du gaz domestique.
  • Renforcer les patrouilles mixtes associant autorités coutumières, services étatiques et éco-gardes.
  • Appuyer les radios communautaires pour relayer les messages de conservation et de gouvernance forestière.

7. Conclusion

Ce qui se joue au Sud-Kivu n’est pas seulement une affaire d’arbres coupés, mais l’effondrement d’un écosystème social et environnemental.
Si rien n’est fait, la province risque de perdre une part essentielle de son patrimoine naturel et de sa résilience face aux crises climatiques.

Il est temps d’une riposte verte, citoyenne, coordonnée et résiliente.

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