La Rédaction 7 septembre 2025

La République Démocratique du Congo (RDC) est souvent qualifiée de « coeur vert de l’Afrique « . Ce pays
abrite à lui seul plus de 60 % de la forêt du bassin du Congo, le deuxième plus grand massif forestier tropical au monde après l’Amazonie (FAO, 2020). Avec une superficie dépassant les 135 millions d’hectares de forêt dense tropicale, la RDC joue un rôle crucial dans la régulation du climat mondial, notamment via la séquestration du carbone atmosphérique (World Resources Institute, 2021). Elle est également le refuge d’une biodiversité exceptionnellement riche et unique.
Le réseau national des aires protégées en RDC s’étend sur environ 13 % du territoire national, comprenant :

9 parcs nationaux : vastes espaces dédiés à la conservation stricte de la faune et la flore,
Plus de 60 réserves naturelles, domaines de chasse, zones de gestion communautaire et réserves de biosphère (ICCN, 2023).
Ces espaces protégés relèvent de la responsabilité de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), établissement public à caractère scientifique et technique chargé de la gestion, protection
et valorisation de ce patrimoine naturel inestimable.

Des espèces emblématiques et menacées

Ce réseau protège des espèces d’importance mondiale, dont certaines sont endémiques ou en danger
critique d’extinction selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature
(UICN, 2024). Parmi les plus emblématiques : Le gorille des plaines de l’Est (Gorilla beringei graueri) et le gorille de montagne (Gorilla beringei beringei),présents notamment dans
le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB) et le Parc des Virunga. Ces grands primates sont considérés
comme des sentinelles de la forêt, indicateurs clés de la santé des écosystèmes (WWF, 2023).
L’okapi (Okapia johnstoni), espèce rare et endémique de la RDC, emblème de la Réserve de Faune à Okapi en Ituri, souvent surnommé « la girafe de la forêt  » (ICCN, 2023).
Le bonobo (Pan paniscus), cousin le plus proche de l’homme avec environ 98 % d’ADN partagé,
strictement confiné aux forêts humides du bassin central, notamment dans les parcs de Lomako et Salonga (IUCN Red List, 2024).
Les éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis), fortement menacés par le braconnage pour l’ivoire, particulièrement dans les parcs de la Garamba, Salonga et d’autres aires protégées (African Wildlife Foundation, 2023).

Des milliers d’autres espèces : la RDC est un foyer majeur de diversité pour les plantes, amphibiens,
oiseaux (plus de 1 100 espèces recensées), poissons d’eau douce, et une multitude d’invertébrés essentiels à l’équilibre des écosystèmes (Conservation International, 2022).
Un rôle clé dans l’équilibre écologique mondial Ces espaces protégés ne sont pas seulement précieux
pour la RDC, mais aussi pour la planète entière. Leur fonction écologique dépasse les frontières, en contribuant à : La capture du carbone par les forêts tropicales, atténuant ainsi les effets du réchauffement global (Global Forest Watch, 2022).
La protection des bassins hydrographiques, assurant la qualité et la disponibilité de l’eau pour des millions de personnes (UNEP, 2021).
La conservation des habitats naturels essentiels à des services écosystémiques irremplaçables tels que la
pollinisation, la régulation des sols, et le maintien des chaînes alimentaires (IPBES, 2019).

Des sanctuaires devenus zones de conflit

Aujourd’hui, les aires protégées de la RDC sont devenues des zones de tension, voire de guerre. Ces territoires censés protéger la vie sauvage sont désormais marqués par la cohabitation entre nature, violence armée et exploitation illégale. Voici les principales menaces qui pèsent sur ces sanctuaires :

Dans plusieurs parcs, le braconnage ne relève plus de la survie locale mais d’un trafic structuré et militarisé, comme en témoigne le cas du Parc National de la Garamba. Dès les années 2010, des groupes armés comme la LRA ont abattu des éléphants à l’aide de RPG et de fusils d’assaut. Résultat : la population d’éléphants a chuté de 95 % entre 1976 et 2020,passant de 22 000 à moins de 1 200 individus.

Sources : African Parks / ICCN / National Geographic (2020), Mongabay 2024

Des groupes armés – Maï-Maï, FDLR, M23, CODECO – occupent partiellement ou totalement plusieurs parcs. Au PNKB, selon Mongabay (avril 2025), plus de 60 % de la zone haute est inaccessible. Des villages ont été construits au coeur même du parc, rendant impossible tout suivi écologique.

Dans des réserves comme Itombwe, Okapi, PNKB, des creuseurs artisanaux armés exploitent l’or et le coltan. Mongabay (décembre 2024) a documenté 6 sites miniers illégaux actifs dans la réserve d’Okapi, causant la perte de plus de 5 000 ha de forêt en 3 ans.

La croissance démographique et les déplacements forcés poussent des communautés à s’installer dans ou autour des parcs. Des titres illégaux sont parfois délivrés dans les zones tampon.

De nombreuses communautés dénoncent l’approche autoritaire de la conservation, avec expulsions, confiscation de terres et absence de concertation. Ce rejet alimente la méfiance et les conflits.

Une crise multidimensionnelle

Type de menaceZones concernéesConséquences principales
Braconnage organiséGaramba, Virunga, Maïko, SalongaDécimation de la faune emblématique
Mines illégalesItombwe, Okapi, PNKBPollution, déforestation, contrôle armé
Pression foncièreUpemba, Kundelungu,
PNKB
Cultures illégales, conflits d’usage
Groupes armésMaïko, PNKB, VirungaParc inaccessible, insécurité
Rupture socialeSalonga, ItombweMéfiance et rejet des autorités

Vers une nouvelle vision de la conservation ?

Des experts (IUCN, CIFOR, Rainforest Foundation Norway) plaident pour une transformation profonde
de la gestion des aires protégées :

  • Reconnaître les droits fonciers coutumiers
  • Associer les riverains à la gouvernance et à la surveillance
  • Délimiter clairement les zones tampon
  • Renforcer la coopération transfrontalière et régionale

Références principales

FAO. (2020). Global Forest Resources Assessment 2020.
World Resources Institute. (2021). Carbon Stocks and Forests in the Congo Basin.
ICCN. (2023). Rapport annuel sur la conservation en RDC.
WWF. (2023). Status of Gorillas in Central Africa.
IUCN Red List. (2024). Species assessments for Gorilla beringei, Pan paniscus, Loxodonta cyclotis.
African Wildlife Foundation. (2023). Elephant conservation updates.
Conservation International. (2022). Biodiversity hotspots and endemic species.
Global Forest Watch. (2022). Forest carbon and climate mitigation.
UNEP. (2021). Freshwater ecosystems and their services.
IPBES. (2019). Global assessment on biodiversity and ecosystem services.

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