Vivre autour du Parc National de Kahuzi-Biega : entre espoirs, douleurs et coexistence
Sud-Kivu, RDC — Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB) est un sanctuaire unique de biodiversité, abritant notamment les gorilles de plaine de l’Est. Mais derrière cette image de richesse écologique se cache une autre réalité : pour les communautés riveraines, la création du parc reste une histoire douloureuse, marquée par des déplacements forcés, des pertes foncières et un dialogue longtemps absent.

« Nous étions les enfants de la forêt »
« Nous étions les enfants de la forêt », se souvient avec émotion Faustin Lwahimbwa, notable du groupement de Bugorhe.
« Nos ancêtres vivaient avec la forêt, pas contre elle. Le parc a été créé sans nous consulter. On nous a dit de partir, sans explication, comme si nous étions des intrus. Mais c’est ici que reposent nos aïeux. »
Comme lui, de nombreuses familles Bashi et Batwa ont vu leurs champs et leurs habitations déclarés « zones illégalement occupées » dans les années 1980-1990. Sans compensation ni accompagnement, certaines ont tout perdu : maisons, terres, repères. Cette histoire alimente un sentiment d’exclusion encore vif aujourd’hui.
Des initiatives locales pour reconstruire le lien
Malgré ces blessures, des signes d’espoir apparaissent.
Dans le groupement de Bugorhe, des initiatives communautaires voient le jour : apiculture écologique, potagers agroécologiques, reboisement et valorisation de produits forestiers.
Ces projets permettent de générer des revenus, de diversifier l’alimentation et de réduire la pression sur les ressources naturelles. Ils montrent qu’il est possible de vivre avec la forêt sans la détruire.
Les attentes des communautés
Les habitants de Bugorhe ne rejettent pas le PNKB. Ce qu’ils contestent, c’est leur mise à l’écart des décisions.
Parmi leurs revendications, on retrouve :
- Être associés à la gestion du parc à travers des comités mixtes.
- Obtenir une reconnaissance foncière sur les terres coutumières hors zone intégrale.
- Recevoir des compensations pour les pertes subies.
- Mettre en place une justice réparatrice pour régler les conflits passés.
Vers une coexistence apaisée ?
Le témoignage de Faustin Lwahimbwa traduit la volonté de centaines de familles : vivre en paix avec la forêt.
Loin de vouloir détruire le parc, elles souhaitent contribuer à sa protection, à condition d’être reconnues comme partenaires légitimes.
« Nous ne voulons pas détruire le parc. Nous voulons y participer. Mais qu’on nous reconnaisse aussi comme enfants de cette terre. »
— Faustin Lwahimbwa, Bugorhe
La coexistence entre conservation et communautés est possible. Elle passe par l’écoute, le dialogue et la reconstruction d’une confiance brisée depuis des décennies. C’est à ce prix seulement que le Parc National de Kahuzi-Biega pourra devenir un patrimoine partagé, à la fois par la nature… et par les hommes.


