Quel avenir pour le parc et sa biodiversité ?
« Nous n’héritons pas de la Terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants. »
Antoine de Saint-Exupéry

Une haute altitude prise au piège du conflit
Depuis plus de huit mois, la haute altitude du Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB) vit au rythme d’un conflit armé qui ne dit pas son nom. Les affrontements entre les milices locales dites Wazalendo et les rebelles du M23 se sont déplacés jusqu’au quartier général du Parc, et plus récemment à l’intérieur même des limites du parc.
Un constat tragique s’impose : le quartier général de la haute altitude du PNKB est désormais sous contrôle du M23, paralysant toute activité de conservation, de surveillance écologique et de recherche scientifique.
Un patrimoine mondial en danger silencieux
Inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1980, le PNKB constitue l’un des derniers bastions de la biodiversité montagnarde d’Afrique centrale.
Ses Forêts abritent des espèces emblématiques:
- Le gorille des plaines de l’Est (Gorilla beringei graueri)
- Le chimpanzé de l’Est (Pan troglodytes schweinfurthii)
- L’éléphant de forêt d’Afrique (Loxodonta cyclotis)
- Le paon du Congo (Afropavo congensis)
- Le léopard (Panthera pardus)
Mais aujourd’hui, la forêt résonne moins des cris des primates que des échos d’armes automatiques. Dans l’ombre du conflit, le braconnage, la déforestation et l’exploitation artisanale de minerais s’intensifient.
Des témoignages récents rapportent le massacre de plus de sept colobes à proximité d’une barrière tenue par des miliciens, à moins de sept kilomètres du QG du parc.
Les populations riveraines, confrontées à une crise humanitaire aiguë, se tournent vers la forêt pour survivre un choix de désespoir aux conséquences écologiques irréversibles.
Quand la guerre ferme la porte à la conservation
Près de 10 % du territoire du PNKB est aujourd’hui hors de contrôle des autorités de conservation.
Cette paralysie opérationnelle empêche les équipes de l’ICCN et leurs partenaires de :
- patrouiller,
- sensibiliser les communautés,
- et suivre les indicateurs écologiques.
Chaque jour sans surveillance est une journée de perte pour la nature.
Chaque arbre abattu, chaque gorille traqué, chaque colobe tué efface une part de notre patrimoine commun.
Et pourtant, les écogardes et gestionnaires restent mobilisés, souvent au péril de leur vie, pour défendre ce sanctuaire naturel.
Une interpellation urgente à la communauté internationale
Le Parc National de Kahuzi-Biega n’est pas un simple parc :
c’est un laboratoire vivant de la planète Terre, un symbole du lien entre paix et nature.
Sa survie ne peut plus être reléguée à un simple dossier administratif.
Il est temps d’agir.
Nous interpellons solennellement:
- Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo,
pour qu’il inscrive la protection du PNKB comme une priorité nationale, même en période de crise. - Les ambassades et partenaires internationaux,
pour soutenir un mécanisme humanitaire et écologique d’urgence dans les zones affectées. - Les institutions environnementales mondiales (UNESCO, PNUE, UICN, ONU Environnement),
pour redéfinir leur appui à ce site du patrimoine mondial pris en étau par la guerre. - Les organisations de la société civile,
pour renforcer le plaidoyer communautaire dans un esprit de non-belligérance et de responsabilité collective.
Plaidoyer pour une neutralité écologique
La nature ne prend pas parti. Elle ne connaît ni camp ni frontière. Les aires protégées doivent être reconnues comme zones neutres, véritables sanctuaires de vie où la guerre n’a pas sa place. Le PNKB doit redevenir une zone de paix, symbole d’une RDC qui protège sa nature même dans la tourmente.
Pour que vive Kahuzi-Biega
L’histoire jugera sévèrement notre inaction si ce parc, joyau écologique de l’Afrique centrale, venait à disparaître sous les feux croisés de la guerre et de l’indifférence.
Le moment est venu d’agir, non pas seulement pour sauver des gorilles ou des arbres,
mais pour préserver l’âme vivante du Congo.


