Hute des pygmées du Village Mbanga dans le paysage RNI,© WWF-RDC,2017

Une date pour réfléchir à l’équité environnementale

Chaque 17 octobre, le monde célèbre la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Cette date rappelle que vivre dans le dénuement est une violation des droits humains fondamentaux. En République Démocratique du Congo (RDC), cette journée résonne d’une manière particulière pour les populations riveraines des aires protégées. Ces communautés, longtemps considérées comme les gardiennes de la biodiversité, vivent aujourd’hui dans un paradoxe saisissant : entourées de richesses naturelles, elles figurent pourtant parmi les plus pauvres du pays.

Hute des pygmées du Village Mbanga dans le paysage RNI,© WWF-RDC,2017

Entre conservation et précarité : un équilibre rompu

Depuis plusieurs décennies, la conservation en RDC repose sur un modèle hérité de l’époque coloniale, souvent qualifié de « conservation-forteresse ». Ce système vise à protéger la nature en excluant les populations humaines.
Pourtant, plusieurs enquêtes menées par Amnesty International, Minority Rights Group et d’autres organisations ont mis en évidence les limites de cette approche. Elles rapportent des déplacements forcés, la perte de terres ancestrales et une marginalisation économique persistante.
Ces constats ne sont pas des accusations isolées, mais des résultats d’observations de terrain. Ils démontrent la nécessité d’un dialogue national sur les réformes à engager.

Pour de nombreuses familles autochtones, la forêt n’était pas qu’un espace vital : elle représentait une source de nourriture, de culture et d’identité. Leur éloignement a provoqué une désorganisation sociale profonde, accentuée par le manque d’accès à l’éducation, à la santé et à des revenus stables.

Une pauvreté multidimensionnelle

Les chiffres nationaux confirment la gravité du problème. Selon les indicateurs sociaux récents, près de 75 % des enfants congolais vivent dans une pauvreté multidimensionnelle. Ils souffrent de privations multiples, notamment dans les domaines de la nutrition, de la santé et de l’éducation.
Autour des parcs et réserves, la situation est encore plus critique : routes impraticables, services publics quasi absents, et très peu de retombées économiques issues du tourisme ou des programmes de conservation.
Cette réalité alimente un sentiment d’exclusion et parfois de méfiance envers les initiatives environnementales. Pourtant, la coexistence entre la protection de la nature et le bien-être humain reste possible, à condition de repenser les modèles actuels.

Des signaux encourageants : vers une conservation inclusive

Malgré ces défis, des signes positifs émergent. Plusieurs acteurs de la conservation et des droits humains appellent à un changement de paradigme. Trois pistes principales se dégagent.

1. Intégrer les savoirs traditionnels

Les connaissances locales sur les plantes, les saisons ou la gestion des feux constituent un patrimoine immatériel essentiel.
Des projets pilotes montrent que l’implication directe des communautés dans la gouvernance des aires protégées améliore la gestion des ressources et réduit les tensions sociales.

2. Conditionner les financements internationaux

Les bailleurs de fonds et ONG partenaires se montrent de plus en plus attentifs à la dimension sociale des projets. Les experts recommandent de lier les financements à des garanties de respect des droits humains, avec des mécanismes de suivi indépendants et transparents. Cette conditionnalité permettrait de prévenir les abus et de renforcer la redevabilité des institutions.

3. Soutenir les initiatives endogènes

De nombreuses solutions viennent du terrain : écotourisme communautaire, reboisement participatif, agriculture durable. Ces projets, souvent modestes, mais ancrés localement, renforcent la résilience économique et sociale des riverains tout en préservant les écosystèmes.en protégeant les écosystèmes.

Vers une réconciliation entre humains et nature

La pauvreté des populations riveraines n’est pas une fatalité. Elle résulte d’un système de gestion à réinventer. La conservation doit désormais se concevoir comme un projet collectif, fondé sur la dignité, la solidarité et la participation citoyenne. Des exemples concrets, au Nord-Kivu, dans l’Itombwe ou le Bas-Uélé, montrent que lorsque la confiance est rétablie entre institutions, autorités coutumières et communautés, les résultats sont durables et partagés.

En cette Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, un message s’impose : protéger la nature sans protéger l’humain n’est plus tenable.
L’avenir des forêts congolaises dépendra de la capacité du pays à construire un modèle où justice sociale et justice écologique avancent ensemble, main dans la main.

La pauvreté n’est pas un échec personnel, c’est un échec systémique, un déni de dignité et de droits humains.

António Guterres, Secrétaire général de l’ONU

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