MULONGOY Hubert 5 septembre 2025
La fôret protégée de Kahuzi-Biega en cours de destruction pour le bois


Nous étions les enfants de la forêt

Le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB), classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1980, est l’un des bastions de la biodiversité mondiale, notamment grâce à la présence du gorille de Grauer, espèce endémique et menacée. Mais pour les communautés riveraines, en particulier celles du groupement de Bugorhe (territoire de Kabare, Sud-Kivu), ce parc reste aussi le symbole de traumatismes historiques, de déplacements forcés et de luttes pour une reconnaissance sociale et territoriale.

Mémoire d’un notable

Monsieur Faustin Lwahimbwa, notable respecté du groupement de Bugorhe, se souvient avec émotion :

« Nos ancêtres vivaient avec la forêt, pas contre elle. Quand le parc a été créé, on ne nous a pas consultés. On nous a demandé de quitter nos terres, sans explication, comme si nous étions des étrangers. Pourtant, c’est ici que reposent nos aïeux. »

Comme de nombreuses familles Bashi et Batwa, il a vu ses terres agricoles déclarées « illégalement occupées » par les autorités de conservation lors de l’extension du parc entre 1970 et 1975, période marquée par l’agrandissement de l’aire protégée de 600 km² à 6.000 km². Beaucoup ont perdu leurs champs, leurs maisons et leurs repères culturels, sans que des mesures de compensation, de relocalisation adéquate ou de dialogue ne soient réellement mises en place.

Des initiatives locales porteuses d’espoir

Aujourd’hui, certaines communautés de Bugorhe tentent de rebâtir un nouveau rapport avec le parc à travers des microprojets :

  • Apiculture écologique : un projet initié par un comité local, en partenariat avec une ONG congolaise et un financement de la coopération allemande, permet à plusieurs dizaines de jeunes de produire du miel forestier certifié « sans abattage ». Ce miel est déjà commercialisé à Bukavu et Goma.
  • Agroécologie pour les déplacés : à Nyamugo, des femmes veuves déplacées ont mis en place des potagers agroécologiques pour produire légumes, haricots et champignons, tout en plantant des arbres fruitiers. L’eau est collectée grâce à des gouttières recyclées, et les engrais sont exclusivement biologiques.

Ces initiatives montrent que les communautés n’ont jamais tourné le dos à la forêt, mais souhaitent au contraire bâtir une coexistence durable.

Les attentes exprimées

Les habitants de Bugorhe ne rejettent pas le parc, mais contestent le fait d’avoir été marginalisés des décisions qui les concernent directement. Leurs revendications principales sont claires :

  • Être associés à la gestion du parc à travers des comités mixtes ;
  • Obtenir la reconnaissance foncière sur les terres coutumières situées hors de la zone intégrale ;
  • Recevoir des compensations équitables pour les pertes subies lors des déplacements passés ;
  • Mettre en place une justice réparatrice pour solder les conflits liés à l’extension du parc.

Conclusion : vivre avec le parc, pas à côté

Le témoignage de Faustin Lwahimbwa incarne la voix de centaines de familles : une demande simple mais profonde – vivre en paix avec la forêt, et non dans la crainte d’en être expulsés.

La coexistence est possible, mais elle passe par l’écoute, le dialogue, et la reconstruction d’une confiance rompue. Comme le résume M. Lwahimbwa :

« Nous ne voulons pas détruire le parc. Nous voulons y participer. Mais qu’on nous reconnaisse aussi comme enfants de cette terre. »


un notable respecté dans le groupement de Bugore

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